mardi 10 août 2010

2010...Carnet de voyage d'une bretonne au Japon...Suite

21 juin 2010 
Nouveau départ pour le Japon. Cette fois nous partons pour 7 semaines loin de chez nous. Je laisse mon chat en "vacances" chez sa grand mère, je ferme la maison à double tour (d'habitude elle est tout le temps ouverte !) et nous partons pour l'aéroport avec des valises bien remplies... C'est une sensation étrange de laisser sa vie et ceux qu'on aime pour aussi longtemps. J'appréhende un peu ce départ, mais la perspective de passer 50 jours au Japon, de découvrir une douzaine de villes et de vivre la campagne de promotion du film, est aussi très excitante et aiguise ma curiosité. 



Pendant les trois premières semaines de notre nouveau séjour au Japon, je vais découvrir pour la première fois de ma vie ce que signifie "la saison des pluies".
Chaleur – humidité extrême – J'ai compris, après avoir une ou deux fois oublié mon parapluie, ce que signifiait l'expression "être trempée jusqu'aux os". Cela n’empêche pas les Tokyoites de vacquer à leurs occupations., mais pour moi c'est un bon enseignement de réaliser que dans certaines régions du monde il faut vivre au rythme des saisons. Je ne crois pas que nous connaissons cela en France, sauf peut être dans les régions de montagne lorsqu'il neige beaucoup.... 



Le premier moment fort de ce séjour a été la première projection du film dans un cinéma avec toutes les équipes, le staff de Ghibli, le réalisateur Yonebayashi-san, Miyazaki-san, Kasamatsu-san, Suzuki-san, tout le monde était là !
Dans la salle il y avait un étrange climat, un peu d'angoisse, de la joie, de l'attente. J'avais l'impression que le réalisateur retenait son souffle. Pour moi cela a été une grande émotion de voir le film enfin terminé. C'était comme si tous ces mois de travail devenaient réels...Les personnages vivaient et parlaient enfin, la musique baignait les scènes. Lorsque le film s'est terminé, après le défilement de tous les noms des crédits, il y a eu plusieurs secondes de silence, une sorte de moment suspendu. : tout le monde attendait la réaction de Miyasaki-san, qui s'est levé et a félicité Yonebayashi-san pour son travail. Tout le monde s'est détendu , a applaudi et a ri...On pouvait sentir du soulagement et de la joie sur les visages. 


Quelques jours plus tard nous avons officiellement célébré le film terminé avec tout le monde dans un grand hôtel de Kichijoji. 



Le 1er juillet marque le début de la campagne de promotion du film.
Avec le réalisateur, j'ai parcouru 13 villes dans tout le Japon pour rencontrer les médias locaux, radios, tv et magazines, et jouer la chanson "Arrietty's song" pour les avant -premières locales. 13 villes – des avions – des trains – des bus - de grands hôtels et je crois plus de 150 interviews au total ! 





Ma traductrice Emi a été si précieuse pendant ces journées que je ne pourrais jamais la remercier assez : elle traduisait tout pour moi mais elle m'a aussi souvent guidée pour me repérer dans cette culture japonaise si différente de la mienne. Grâce à elle je pense que j'ai évité beaucoup d'erreurs et de qui-proquo ! 






Les journées d'interview, parfois "marathon" se terminaient généralement par de grands banquets avec toutes les équipes ; c'étaient des moments de convivialité uniques, et pour moi l'occasion de profiter de la gastronomie japonaise ! Les repas resteront surement un moment fort de mon séjour. La cuisine japonaise était beaucoup plus variée que je ne me l'imaginais : poissons crus bien sûrs, mais aussi poissons et viandes grillées, et toutes sortes de ragoûts vraiment intéressants ! Seuls m'ont manqués le pain et les desserts français, et aussi un peu le fromage, mais heureusement les restaurants français et Italiens foisonnent dans tout le Japon et nous avons pu déguster des menus occidentaux magnifiques le long du séjour. En vrac quelques banquets mémorables : banquet de Tofu à Kyoto, banquet sur le thème du poulet à Nagoya, Sashimis et crabes merveilleux à Sapporo... 




De ces journées d'interviews et de promotion je retiens surtout le contraste saisissant entre ma vie de troubadour, telle que je la mène en France, et la logistique de cette tournée.
Au Japon, toujours de grands hôtels, et toujours une foule de gens pour m'aider, porter le matériel, organiser, m'épauler, gérer le planning et les horaires, me guider, me maquiller, me coiffer, Les fans, les photos, les interviews... En France ou lorsque je pars en tournée habituellement à l'étranger, il y a un côté nomade et improvisé qui n'existait pas du tout au Japon. Habituellement lors de mes tournées je dois bien souvent porter ma harpe moi même et me débrouiller "seule" contre vents et marées ! Ce contraste a été un peu générateur d'angoisse pour moi, en tout cas au début. 




On m'a souvent parlé de l'histoire de Cendrillon depuis le début de cette aventure, car c'est vrai qu'il y a une part de conte de fée dans tout ce qui m'est arrivé :être choisie pour composer la musique du nouveau film du studio Ghibli a des allures de rêve éveillé.
Alors j'ai réussi a surmonter cette angoisse en pensant à Cendrillon, dont le carrosse redevient citrouille à minuit et je me suis dit que cette aventure japonaise était comme une parenthèse magique à vivre pleinement ! 




C'est difficile pour moi de piocher dans mes souvenirs pour choisir les meilleurs moments ou les moments forts de ces longues semaines passées au Japon...
c'est encore si frais dans mon esprit et nous avons vécu tellement de choses ensemble ! Mais voici tout de même quelques moments que je retiens particulièrement. 1er juillet cérémonie de bénédiction du film par les moines au Temple Zojoji. A l'issue de la cérémonie je dois jouer un extrait d'Arrietty's song pour Bouddha. Au début cette idée m'a amusée, mais dès que la cérémonie a commencé j'ai été emportée par la force de cette cérémonie : la musique était omniprésente ; tambours, flûte, orgues à bouche. Le moines jouaient une musique très codifiée mais puissante et mystique, comme sortie du fond des ages. J'avais le coeur qui battait tellement fort et chaque coup de tambour m'emportait plus loin. J'ai rarement été aussi impressionnée et envoûtée par un moment. C'est incroyable de voir comme les sons et la musique peuvent parfois prendre possession de vous. Afin de pouvoir retrouver mes esprits, j'ai du sortir "crier" un peu dans le couloir sur le côté du temple, avant de pouvoir jouer ma chanson devant l'autel. J'espère que Bouddha l'a aimée... 





3 Juillet 2010
Nous avons deux jours de "vacances" et l'équipe nous offre un séjour dans un ryokan extraordinnaire à Kyoto. On y accède en bateau. Les chambres et le paysage sont idylliques, la pluie renforce la poésie des lieux. De quoi oublier tous nos repères et notre fatigue. Je rêve d'un séjour plus long dans cet endroit. 





Nous visitons Kyoto le lendemain. Comment ne pas être touché par cet endroit et ces maginfiques temples?
Cependant la ville est envahie de touristes et des magasins de souvenirs et cela brise un peu la magie. 




Niigata – j'ai oublié la date ! Pour changer des journées d'interview dans les grands hôtels l'équipe de promotion du film nous emmène donner les interviews à la campagne, dans une sorte de ferme-auberge où l'on produit et déguste du vin. L'endroit est paisible, en pleine nature, entouré de jardins. On y recueille les animaux blessés et maltraités. Quel contraste pour moi avec l'agitation des villes ! Ce fut un moment béni, une sorte de respiration dans notre séjour. 



août 2010
Concert à l'Opera City Hall de Tokyo C'est un moment fort pour moi aussi dans ce séjour car jouer dans cette salle a été un grand bonheur. La salle était magnifique, toute en bois, avec une architecture impressionnante et une acoustique parfaite, et le public japonais a été très accueillant. En tant que musicienne, je suis comblée d'avoir eu la chance de jouer dans un tel lieu. 





6 août 2010
Dans un genre complètement différent : nous avons joué au festival "Rock in Japan". Qui aurait cru que je participerai un jour à un festival de rock !!! J'ai adoré le public et l'organisation de ce festival. Il y avait tant de respect entre les gens. Cela m'a touchée. Jamais je n'ai vu cela dans aucun festival européen. Je ne suis pas prête d'oublier Suzuki-san qui pour l'occasion s'est saisi d'un micro et a joué les "chauffeurs de salle" pour nous présenter sur scène ! Je n'oublierai pas non plus la chaleur étouffante qui régnait ce jour là : les instruments étaient littéralement brûlants et j'ai bien cru que j'allais fondre et mourir là sur scène! Heureusement tout s'est bien passé et je suis contente d'avoir réussi ce "pari." 



Tokyo
jours "off" Par intermittence lors de ces journées de promotion , nous revenions à Tokyo pour un ou deux jours de pause. Nous logions dans le quartier de Shibuya et comme j'aime marcher nous avons occupé nos après midi de temps libre par de longues marches dans Tokyo. C'est pour moi la meilleure façon de découvrir une ville ou un pays : se balader au hasard des rues et des quartiers, sans chercher à voir les monuments célèbres ou historiques. Choisir de petits restaurants au hasard, s'enfoncer dans des ruelles, entrevoir la vie quotidienne des habitants. 



Tous ces moments et toutes ces images resteront gravés dans ma mémoire pour longtemps...